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La Manif pour tous est de retour

La Manif pour tous est de retour

Le 28 mai prochain, le Sénat discutera de la proposition de loi sur la « transidentification » des mineurs, déposée par Les Républicains. Les polémiques transphobes ne sont plus seulement matières à discussion pour Cnews. La répression des transitions est à l'agenda politique des parlementaires et des complotistes. Nous revivons le contexte d'émergence de la Manif pour tous.

Par Les Inverti.e.s Ā·

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Le bruit des mocassins

La ā€œManif pour tousĖ® nʼa pas pu revenir sur le mariage gay, mais aujourdʼhui, elle a gagné des postes ministériels. Les membres du gouvernement Attal avaient déjaĢ€ été décryptés dans Un premier ministre gay pour un gouvernement homophobe.

Parmi eux, il y a des hommes et des femmes politiques qui ont lutté contre le mariage gay et lesbien, qui ont voté contre la loi interdisant les thérapies de conversion et contre la PMA. Ce nʼest pas une anomalie que la proposition de loi sur la ā€œtransidentificationĖ® des mineurs surgisse maintenant. C'est le résultat de groupes d'enquĆŖtes parlementaires lancés par la droite et l’extrĆŖme-droite.

Les deux premiers articles de la proposition de loi visent aĢ€ interdire et condamner toute prescription aux patientĀ·es mineurĀ·es des bloqueurs de puberté, traitements hormonaux et opérations d’affirmation de genre. Cela créerait un régime d’exception législative autour des transitions.

Comme le notait déjaĢ€ Claire Vandendriessche, invitée au groupe de travail parlementaire sur la question : ā€œMeĢ‚me lʼAcadémie Nationale de Médecine, pourtant peu considérée comme une alliée des luttes LGBT, [...] nʼa en rien recommandé lʼinterdiction des transitions médicales des mineursĖ®.

Cette interdiction aura des effets dévastateurs sur la santé des jeunes, mais apparemment l’idéologie anti-trans semble privilégier ses dogmes. Pour preuve, jamais ces transphobes ne s’éleĢ€vent contre les mutilations intersexes au motif de la protection des enfants.

Le troisieĢ€me article de loi prévoit également un renforcement de la pédopsychiatrie. Pourquoi ? Les transidentités ont pourtant été retirĆ©es de la classification des maladies mentales au niveau français et international. Cette loi est un loup déguisé en agneau. Elle se réveĢ€le comme une tentative de rétablir les thérapies de conversion et renforcer la psychiatrisation des transidentités.

En revenant sur les mineurs trans, les membres du gouvernement reconnaissent un statut d’expertise aĢ€ des agitateurs qui ne sont que des confusionnistes aux theĢ€ses pseudo-scientifiques. Les recommandations de la PPL sont revendiquĆ©es par des organisations transphobes comme l’Observatoire de la Petite SireĢ€ne, qui est l’équivalent des Juristes pour l’enfance de la Manif pour tous. La sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio, l’une des dĆ©positaires de la PPL, a meĢ‚me invité les transphobes Marguerite Stern et Dora Moutot au Sénat. Les Républicains et d’autres groupes conservateurs se sont engagés dans la mise au placard des personnes trans aĢ€ la méthode Trump : interdire les transitions et criminaliser les soignantĀ·es.

Le bruit des bottes

Notre cas français n’est pas isolé. Au contraire, c'est un pays aĢ€ rajouter aĢ€ la liste. En meĢ‚me temps que le capitalisme détricote les acquis sociaux comme les retraites, il attaque les droits des LGBTI et les droits des femmes. Sans eĢ‚tre exhaustif, lʼoffensive anti-trans accumule des victoires aĢ€ lʼinternational :

  • 2016 : multiplication des projets de loi interdisant les thérapies sur les mineurs et exclusion des personnes trans du sport suite aĢ€ l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis.
  • 2020 : la Hongrie interdit la modification du prénom et de la mention sexe aĢ€ lʼétat civil.
  • 2023 : la Russie interdit tout type de transition, tant médicale qu’administrative.
  • 2024 : la NHS, systĆØme de la santĆ© publique du Royaume-Uni, stoppe la prescription des bloqueurs de pubertĆ© pour les mineurĀ·es. La mĆŖme institution a approuvĆ© les conclusions d'un rapportĀ recommandant l’interdiction des transitions mĆ©dicales aux personnes de moins de 25 ans.

Ce ne sont pas des coĆÆncidences. Les réactionnaires sont aĢ€ l’offensive, les trans sont leur cible. Aujourd’hui, cette nouvelle séquence de la transphobie se déploie dans un contexte international et dans un gouvernement propice aĢ€ des victoires réactionnaires.

Ce n’est pas seulement une bataille idéologique, c’est un combat qui met en péril directement nos vies. Ces paniques morales ont des conséquences concreĢ€tes sur nos conditions d’existence quand elles se déplacent dans des lois incarnant l’homophobie et la transphobie d’Etat. Elles attaquent nos conditions de travail, nos retraites, nos papiers d’identité. Elles détruisent notre avenir en s’immisçant jusque dans notre quotidien : nos sexualités, nos enfants, nos pratiques sportives, nos hormones.

Pire encore, nous percevons déjaĢ€ le terrorisme hétérosexuel. En 2017, la Tchétchénie massacre des gays dans des camps. En juin 2022, un bar gay est victime dʼune fusillade aĢ€ Oslo. En septembre 2022, un fasciste tuait deux pédés dans un bar gay en Slovaquie. En novembre 2022, un autre a ouvert le feu dans un bar LGBTI tuant cinq personnes, le jour du TDoR, journée de commémoration des personnes trans assassinées.

En France, les tragédies se succeĢ€dent. Lʼabandon des personnes trans par le systeĢ€me de santé pendant la pandémie sʼest concrétisé par une vague de suicide et dʼassassinats. Une vague qui continue et qui touche particulieĢ€rement les jeunes LGBTI. Nous n’oublions pas Fouad, Dinah, Lucas et Batiste.

Dans ce contexte, les fascistes se régalent. Pour la seule année de 2023, un bar LGBTI a connu une interpellation et un harceĢ€lement policier. Les drags queens sont intimidées. Le centre LGBTI de Tours est attaqué par une bombe artisanale. Tout Ƨa dans une recrudescence d’attaques contre les Plannings familiaux, les syndicats étudiants, les centres de demandeurĀ·euses d’asile et les mosquées. S’il n’y a pas de ligues fascistes officielles ou de partis de masse rĆ©actionnaires, la violence s’organise tout de mĆŖme.

La montée des attaques anti-LGBTI et des organisations fascistes sont le miroir du rapprochement des parlementaires avec les confusionnistes anti-trans. En construisant une panique morale, la droite se fédeĢ€re. La séquence du Mariage pour tous a permis l’union des droites tant reĢ‚vée des conservateurs et la résurrection d’organisations fascistes comme l’Action française. Notons d’ailleurs qu’un autre projet de loi pour interdire les transitions aux mineurs a Ć©tĆ© dĆ©posĆ© au SĆ©nat par le groupe RN. La droite et l’extrĆŖme droite se fĆ©dĆØrent dĆ©jĆ .

Lʼurgence dʼune victoire trans unitaire

Si l’heure est aĢ€ l’offensive, la séquence qui s’annonce doit eĢ‚tre celle de l’organisation de notre camp social contre la haine anti-trans. Il y a urgence aĢ€ ne plus subir le déchainement de la Manif pour tous. L’immobilité des principales organisations ouvrieĢ€res et meĢ‚me LGBTI ont réduit le mouvement LGBTI aĢ€ des contre-manifestations et des actions isolées.

La nouvelle séquence de transphobie, ouverte par la loi sur les mineurs, annonce un futur trans interdit et criminalisé. Nous vivons un nouveau départ dans une période transphobe déjaĢ€ préparée ces dernieĢ€res années. Car si les questions LGBTI et féministes ont pu obtenir des avancées législatives, elles ont été des contre-coups pour les personnes trans. La PMA, la constitutionnalisation de l’IVG ont été votĆ©es en excluant les personnes trans. L’examen de la loi interdisant les thérapies de conversion a été un moment d’intense lobbying anti-trans.

Toutefois, nous pouvons noter plusieurs éléments qui seront des appuis pour les prochaines semaines. La ministre Aurore Bergé a assuré l’opposition du gouvernement aĢ€ la PPL, alors qu’elle-mĆŖme avait accueilli Marguerite Stern et Dora Moutot deux ans auparavan .

Nous saluons lʼinitiative de la députée Mélanie Vogel de la déposition dʼune proposition de loi facilitant le changement de sexe aĢ€ lʼétat civil. Au-delaĢ€ du jeu électoral, le syndicalisme sʼest engagĆ© sur les questions trans au cours de l’année 2023. L’Existransinter comprenait un corteĢ€ge syndical composé de Solidaires, la FSE et le STJV (Syndicat des travailleurĀ·euses de jeux vidéos). La CGT et Solidaires se sont jointes aĢ€ l’appel du TDoR (Trans Day of Remembrance, Jour du Souvenir Trans), et l’Organisation de Solidarité Trans a appelé aĢ€ construire les syndicats.

Ce mouvement est bien sĆ»r aĢ€ amplifier. Il pourra l’eĢ‚tre par un engagement décuplé, mais également avec l’intervention des organisations politiques. L’implication du mouvement ouvrier sur les questions trans est encore trop éparpillée et souffre d’un manque d’unité. Les prochaines échéances LGBTI seront aĢ€ construire dans cet axe de lutte, mais pas que. Il est urgent de construire des moments politiques LGBTI hors du calendrier traditionnel. Car pour peser dans l’appareil législatif, il faudra construire la confrontation.

Serons-nous capables dʼarracher une victoire trans ? C’est un enjeu qui dĆ©passe les questions trans. La rĆ©union de nos forces militantes est essentielle contre la montĆ©e de l’extrĆŖme-droite. C'estĀ pourquoi nous appelons Ć  construire nationalement le 5 mai, comme premiĆØre journĆ©e de rassemblement contre la transphobie, dans la continuitĆ© d'une propositionĀ conjointe avec Du Pain et Des Roses et de l'AG parisienne du 24 mai.

En tant que trans-pédés-gouines, lʼantifascisme est une question de survie et cʼest pourquoi lʼurgence est aĢ€ lʼorganisation. Resserrons les rangs. Impliquez vosĀ organisations et syndicats. Rapprochez vous des groupes trans. Elisabeth Roudinesco, grande psychanalyste franƧaise, a dénoncé l'Ć©pidĆ©mie de transgenres. Nous prenons cela au sérieux. Faisons de nos organisations les outils de la lutte contre la haine anti-trans. Soyons un déferlement !

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On se tient au jus pour nos prochaines actus ?
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